L'homme ralenti le pas, profitant du calme régnant avant l'aube. Sa destination, le Lac coupé en deux, était toute proche. Après plusieurs semaines de vagabondage intensif, Marian Cross, ou tout simplement Cross, avait décidé de se reposer quelques jours, au calme. C'est pour cela qu'il avait choisi ce lieu, empreint de mystère. Il avait surtout choisi cet endroit car peu de monde osait s'aventurer ici et aussi car il était blessé. Oui, lui, Cross, était blessé, à l'épaule droite. Un stupide combat de grand chemin qu'il aurait pu gagner les yeux fermés et les deux mains dans le dos sans une seule égratignure. Seulement, parmi les cinq brigands qui l'avaient attaqué, il y en avait un avec une épée que Marian n'avait pas remarqué tout de suite et qui, de surcroit, l'avait surpris par derrière. A cause de cela, l'homme aux cheveux couleur de feu avait sorti son revolver et en avait tué deux de sang froid, ce qui avait fait déguerpir les trois autres comme des lapins. Marian aurait pu tous les achevés, mais il s'était dit que deux cadavres sur le bord du chemin, c'était bien assez. Bref, le vagabond était blessé et ne pouvait plus bouger son bras ainsi que son épaule, et, dans la bataille, il avait perdu son chapeau. Chose pour laquelle il se maudissait, car il allait devoir en acheter un autre... Ou alors il pouvait en emprunter un sans permission... Tout en réfléchissant à ce problème, il s'était quand même fait un bandage de fortune pour arrêter l'hémorragie.
Il évoluait à présent sous les arbres bordant la clairière où le lac se trouvait. Il dépassa le dernier arbre et s'arrêta net. Une jeune femme était déjà au bord du lac et elle fit volte-face en l'entendant arriver. De là où il se trouvait, Marian ne pouvait distinguer le visage de la demoiselle.

- Qui êtes-vous ? Demanda-t-elle d'un ton un peu sec.

- Moi ? Je ne suis rien de plus qu'un simple vagabond, rétorqua Marian en s'avançant, espérant ainsi découvrir le visage caché par une capuche de la jeune inconnue.

Après avoir fait quelques pas, il regarda alentour pour vérifier s'il n'y avait pas d'autre personne et fut rassuré en voyant que la jeune femme était seule.

- Et puis-je savoir ce que fait une jeune femme, seule et à une heure pareille, en un tel endroit ? Ce n'est pas très prudent tu sais, il y a plein de brigands qui rôdent ici la nuit. Ajouta-t-il avec un sourire en coin, hautain à souhait, et des yeux inquisiteurs.

Cross ne remarqua pas l'infime geste de la jeune fille vers son poignard. Comme elle ne répondit pas tout de suite, il savait qu'il ne saurait pas son nom de si tôt. Elle fit quelques pas de côté, en l'observant sous toutes les coutures et en affichant un sourire un sourire en coin. Marian sut qu'elle s'attarda un peu sur ses cheveux. À force que les gens le dévisage, il savait exactement ce que les gens regardaient, et où ils regardaient, sans forcément bien voir leurs yeux. C'est vrai, cet homme est très, très étrange. Cette jeune fille parut légèrement amusée par la chevelure rouge de l'homme. Ce dernier continuait de fixer la demoiselle, cherchant à capter le moindre détail de son visage, mais en vain, la capuche étant toujours là.
Ces minutes parurent une éternité aux yeux de Marian. Enfin, l'inconnue daigna enfin répondre, mais par une autre question.

- Et qu'est-ce que cela t'apporterais de savoir qui je suis ? Dit-elle en inclinant légèrement la tête sur le côté.

Marian soupira... Il n'aimait pas tourner autour du pot.

- Ce que cela m'apporterais ? Et bien... Je saurais qui j'ai en face de moi. Répondit-il en avançant de quelques pas.

Il continua d'avancer jusqu'à être à deux ou trois mètres de la jeune inconnue, essayant toujours de percer l'ombre qui régnait sur une partie du visage de la demoiselle.

- Je n'aime pas me répéter, mais je vais faire une exception. Qui es-tu et qu'es-tu venu faire en ce lieu ? Et de si bonne heure, de surcroît. Lâcha Marian, un brin d'agacement dans la voix, c'est qu'il voulait être seul, le bonhomme.

Au grand damne de Cross, la jeune fille s'amusait de la situation. L'homme avait souvent côtoyé les femmes, mais celles avec du caractère sont les pires, mais en même temps les meilleures. Il esquissa un sourire.

- Je suis venue ici parce que j'en avais envie ! Et pour l'heure, je ne vois pas ce qu'il y a de choquant, le soleil est levé ! Vous n'allez tout de même pas interdire à une demoiselle de se promener au bord d'un lac, au réveil ?

Marian soupira franchement en passant nonchalamment une main dans ses cheveux. Cette jeune inconnue n'allait pas lui faciliter la tâche, loin de là. Mais d'un côté, cela l'amusa. Ça faisait longtemps qu'il n'avait pas rencontré de jeune femme aussi franche. Il remarqua que la jeune femme riait, sans bruits. *Étonnant, j'savais pas qu'on pouvais rire sans bruits.* pensa alors Marian, surpris.
Soudain, un cygne passa au-dessus d'eux, surprenant l'inconnue tandis que Marian levait simplement les yeux vers la bête. La jeune fille tourna alors vivement la tête pour plonger son regard dans les yeux de Cross, avant de lancer, non sans une pointe d'amusement dans la voix :

- Et on ne vous a jamais appris qu'on se présente d'abord à une jeune femme avant de lui demander son identité.

Marian écarquilla légèrement les yeux avant de rire. Quel caractère ! En vérité, il adorait ça. Il s'arrêta de rire puis étira ses lèvres en un sourire sans aucune trace d'énervement.

- Oh si ! On me l'a appris. Seulement, depuis le temps, cette politesse ne fait plus partie de mes priorités vois-tu.

Il réfléchit un instant avant de reprendre.

- Mais pour ton bon plaisir, sache qu'on m'appelle Cross. Mais je doute que cela t'aide en quoique ce soit. Maintenant, à ton tour. Qui es-tu ?

Tout en disant ces dernières phrases, il avait avancé. Il n'était pas loin de découvrir le visage bien caché de la jeune femme.

Cross sourit, visiblement, la jeune femme n'avait jamais entendu parler de lui, ce qui arrangeait joliment le vagabond. Maintenant, à elle de décliner son identité. L'homme eue soudain un pressentiment, comme si le fait de savoir qui elle était n'allait pas lui apporter que de bonnes choses.
La jeune inconnue entrouvrit un peu ses lèvres avant d'afficher un sourire malin puis de passer de deux doigts sous sa capuche. Elle laissa encore filer quelque seconde, durant lesquelles Marian faillit perdre patience.
Elle laissa enfin tomber sa capuche sur ses épaules puis elle releva la tête, bien que le Soleil dut l'éblouir un peu. Cross, quant à lui, était estomaqué, découvrant la belle chevelure vert prairie ainsi que les yeux sarcelles de la demoiselle. Kyodaina. S'il s'attendait à trouver en face de lui la Reine des Surisu. Et surtout, il n'aurait jamais cru qu'elle ait un caractère si trempé.

- Maintenant, tu as ta réponse.

Et maintenant, que fallait-il qu'il fasse. Qu'il feigne l'ignorance ou qu'il lui dévoile qu'il la connaît ? Après tout, qui ne connaît pas la jeune Reine ? Tant de souvenirs remontaient à la surface qu'il lui était impossible de réfléchir rapidement et efficacement. Aucun mot ne put sortir de sa bouche durant les prochaines minutes qui s'écoulèrent.
Il ne trouvait rien à répondre mais se risqua quand même à dire quelques mots, tout en baissant et en détournant un peu la tête. Histoire qu'elle ne voit plus ses yeux qui, à présent, laissaient passer trop d'informations sur ses ressentis pour quelqu'un d'avisé. Et tout le monde sait que les femmes sont plutôt douées dans ce domaine.

- Tss... Et il fallait que je tombe sur elle...

Cross garda les yeux baissés un moment. Il ne voulait pas croiser le regard de la jeune Reine, au risque qu'elle lise trop de choses dans les yeux de l'homme, à présent rouges d'alizarine, signe d'un profond trouble. Ce n'est que lorsque que Kyodaina parla, que Cross releva un peu la tête. Il aperçut seulement le sourire qu'elle affichait.

- Dois-je comprendre que vous ne m'affectionnez pas plus que sa ?

Cette petite question déstabilisa un instant le vagabond. Il était persuadé qu'elle connaissait la réponse, alors pourquoi demander ? Quelle jeune femme étrange.
Cross ne sut que répondre. Il vit alors la jeune souveraine lui tourner le dos. Visiblement, elle n'avait pas peur de lui. Après tout, s'il avait voulu lui faire du mal, ça ferait longtemps qu'il se serait exécuté. Elle fit quelques pas le long de la rive, puis elle revint vers lui, attendant patiemment sa réponse.
Il réfléchit encore, puis s'avança, passant à côté de Kyodaina, pour aller s'asseoir en tailleur au bord du lac, à un mètre à peine de l'eau. Il regarda le ciel, à présent bien bleu, sans nuages. Il jeta un rapide regard du côté de la jeune femme avant de répondre, enfin.

- Exactement. Je ne t'aime pas plus que ça. D'ailleurs, je dois bien être le seul Surisu à penser ça.

Cross guetta du coin de l'oeil la réaction de la souveraine. Cette dernière fut très surprise. Pourquoi, cela piqua la curiosité du vagabond. Mais il oublia vite cette interrogation quand il vit Kyodaina s'allonger dans l'herbe et regarder le ciel. Elle était visiblement détendue et ne prêtait plus aucune attention au fait que l'homme soit un étranger potentiellement dangereux. Cross sourit, heureusement qu'il ne lui voulait aucun mal, mais si elle ne se méfiait pas plus à l'avenir, elle pourrait se faire tromper facilement, surtout si elle sort toute seule. Il tourna soudain la tête quand la jeune Reine parla enfin.

- Et qu'ai-je donc fais pour que tu n'aime pas ta souveraine ?

Tiens, elle le tutoyait maintenant. Peu importe, il n'en avait cure. Le vagabond s'apprêtait à répondre quand la jeune fille repris la parole.

- Tu trouves pas qu'il ressemble à un os celui là ? Dit-elle d'un ton faussement sérieux, en pointant son doigt vers le ciel.

Un instant déconcerté, Marian le va finalement les yeux au ciel et regarda le nuage. Il acquiesça.

- Ah ouais. Un petit os, un tout petit. On dirait une phalange même. Ajouta-t-il avec un sourire qui en disait long sur son expérience des combats et des horreurs de la guerre.

Avec justesse, il avait réussi à évincer la question de la jeune Reine, mais pas éternellement, il le savait bien. Il sourit doucement en essayant de s'allonger. Malheureusement, quand il voulu s’appuyer sur son bras droit, une douleur lancinante lui parcouru l'épaule. Il grimaça de douleur en sentant sa blessure se rouvrir. Il arriva tout de même à s'étendre sur l'herbe, en priant pour que le sang ne se mette pas à couler à flot et que la Reine n'y vit rien.

- Vous êtes blessé ? Demanda la jeune Reine, même si la réponse était évidente.

Cross n'eu pas le temps de répondre qu'elle se relevait déjà. Avec une vivacité étonnante, Koydaina dénuda l'épaule du vagabond. Marian ne préféra pas l'écarter, ni protester. Sa blessure le faisait souffrir et, si la jeune fille pouvait l'aider, il ne refuserait pas.
Elle attrapa sa sacoche et y sortit un large bande de tissu. Cross ne bougea même pas et se laissa faire. Etonnant de sa part, lui qui préférait de loin la solitude et ne rien devoir à personne. Et puis, il se dit que, finalement, elle était gentille. Tandis Kyodaina lui faisait un bandage de fortune, il la regardait s'exécuter avec un regard doux, vert clair, et un sourire apaisant. Ca faisait longtemps qu'il n'avait pas ressenti ce sentiment de quiétude. La présence de la souveraine le relaxait.

- Il me semble que vous avez éludé ma question. Qu'ai-je donc fait pour mériter votre aversion ? Lâcha Kyodaina en finissant le bandage.

Le vagabond remarqua le geste de Kyodaina. Un tic sûrement. Il se rappela soudain qu'il avait déjà vu ce geste auparavant. Oui, son "père" le Roi, ainsi que Pen, son oncle, avait le même. Ils frottaient leur pouce droit contre leur auriculaire gauche quand ils réfléchissaient ou étaient impatients.

- Tu sais, ce tic-là... Le geste que tu fais avec ton pouce. Mon père et ton père avait le même. Dit-il avec un sourire nostalgique, toujours pas décidé à répondre à Kyodaina.

Cependant, il se demandait comment elle allait réagir. Encore fier de lui d'avoir évité la question de la souveraine.

Cross vit la jeune fille se redresser brusquement, un frisson dû lui parcourir le corps. Ses yeux s'étaient arrondis sous la surprise et son visage s'assombrit. Une expression de tristesse apparue alors sur le visage de Marian. *Et merde... J'aurais pas dû dire ça* Il détestait rendre triste les femmes, encore moins les jeunes femmes telle Kyodaina. Cette pensée fut renforcée quand les mains de la souveraine se crispèrent et que, dans un spasme involontaire, elle serra fortement le noeud, faisant grimacer Cross.

- Que... Hoqueta-t-elle

Elle repris ses esprits et refit le noeud un peu moins serré, au grand bonheur de Marian. Les yeux sarcelles de la demoiselle semblaient vides, dénués de toute émotion. Puis, sans prévenir, un grand sourire illumina son visage. Cross fut surpris par le brusque changement d'attitude de Kyodaina.

- C'est sans doute possible, je n'ai pas connu mon père et le tiens encore moins. Dit-elle sans que le sourire ne quitte ses lèvres.

Tandis qu'elle s'asseyait en tailleur à côté de Cross, ce dernier ne savait plus quoi penser. Était-ce bien la fille de l'homme qui avait fait assassiner la Reine ? Durant ces jeunes années, Marian avait haït du plus profond de son coeur cette fille, ainsi que sa mère. Après le couronnement de Kyodaina, il avait en quelque sorte passé l'éponge, en partie parce que Pen était mort, mais maintenant, il arrivait à accepter le fait que cette jeune femme n'y était pour rien dans la mort de sa mère. Kyodaina pris alors la parole en tripotant une de ses mèches de cheveux, le coupant dans ses réflexions silencieuses.

- Tu connaissais le Prince Pen, c'est pour cela que tu me détestes ? Demanda-t-elle dans un souffle. Tu sais, je n'y suis pour rien dans ses agissements. Il m'a abandonné moi et ma mère, alors j'ai juste eu le malheur d'être son rejeton, si on peut dire.

- Le Prince, hein... Tss, ce connard n'avait rien d'un Prince ! Lâcha Marian, d'un ton laissant clairement paraître ses sentiments par rapport au père de Kyodaina. L'assassinat de ma mère ne fut pas l'acte du "Prince", mais celui d'un homme sans scrupule et avide de pouvoir, juste Pen, deuxième dans la succession au trône.

Cross n'ajouta rien et se contenta de baisser les yeux. Il se dit que ce n'était pas la meilleure réponse qu'il aurait pu donner, mais comme la souveraine détestait son père, pourquoi se donner la peine de prendre des gants ? Il venait d'apprendre qu'elle n'a pas eu une enfance facile et lui, il enfonçait le clou en parlant comme ça de son père. Cross croyait pourtant que son oncle les avait entretenus en secret, mais visiblement, elle avait eu une vie pauvre, seule avec sa mère.

- Oui, j'ai bien connu ton père, et j'ai déjà vu ta mère aussi, avec lui. Dit-il tout bas. Et euh... Désolé... Je sais que tu n'y es pour rien dans les agissements de ton père.

Un déclic se fit dans l'esprit de l'homme. Il devait arrêter de lui parler ainsi, sinon, elle allait découvrir son passé. Et il n'avait vraiment pas envie que tout ça ressurgisse de l'ombre.

Marian garda les yeux baissés, il n'arrivait même plus à penser logiquement. Tout s'embrouillait dans son esprit. Il secoua énergiquement la tête pour chasser ses pensées néfastes et soupira un bon coup. Il fallait qu'il se ressaisisse, ce n'était pas un faible qui allait laisser ses émotions le submerger. Il releva alors la tête et, de ses yeux désormais rouges vifs, il jeta un coup d'oeil du côté de la Reine. Ce qu'il y vit le déconcerta un moment, mais le sourire qui illumina le visage de Kyodaina était pur et sincère.

- Je préférerais qu'on ne parle plus de cet homme. Mais je me pose une question. Pourquoi a-t-il tué ta mère ? Elle avait quelque chose à voir avec lui ?

Les yeux de Marian rechangèrent alors de couleur, ils étaient désormais verts tendre, signe de nostalgie. Le vagabond n'avait aucun contrôle là-dessus, puisque ses yeux sont le miroir direct du plus profond de son âme. Ils retranscrivent en différentes teintes de vert ou de rouge les émotions et sentiments qu'il éprouve vraiment. En ignorant la douleur que son bras lui fit ressentir, Cross s'allongea, avec un doux sourire.

-Ma mère... Ça fait très longtemps que je n'ai parlé d'elle à qui que ce soit. Dit-il en regardant le ciel. Pour répondre à ta première question et pour faire court, Pen l'a tuée car elle connaissait ton existance, et que si elle révélait tout ceci au Roi, Pen n'accéderait jamais au trône. Mais malheureusement pour ton père, ma mère eu le temps de prévenir le Roi.

Sans s'en rendre compte, Cross avait pris son pendentif dans sa main droit et il jouait avec nonchalamment. Ce pendentif, c'était le seul bien qui lui restait de sa mère, et il y tenait énormément.

- Ensuite, je crois que je viens de répondre à ta deuxième question dans la réponse de la première. Ajouta-t-il en regardant Kyodaina et en esquissant un léger sourire en coin.

Cross continua de jouer avec son pendentif. Il le pris entre son pouce et son index et l'éleva au-dessus de lui. Il le reposa sur sa poitrine en fermant les yeux. Il sentait que Kyodaine le détaillait. Et il n'aimait pas ça, il savait qu'elle était loin d'être bête et que, s'il continuait de parler, elle découvrirait tôt ou tard qui il était vraiment. Et ça, il n'en avait pas envie. Mais, au fond de lui, il était sûr qu'elle était sur le bon chemin pour découvrir son identité.
Après quelques instants où Marian put pleinement profiter du clame du lac, Kyodaina pris la parole.

- Ta mère... La reine ? Tu es Marian, je ne me trompe pas ?

Dès qu'il entendit ces mots, Cross se releva vite, très vite, trop vite. Oubliant pas la même occasion sa blessure qui ne tarda pas à se manifester. Le vagabond se plia de douleur en tenant son bras droit, il grimaça en se clamant. Dur rappel à l'ordre. Il regarda alors Kyodaina, remuant les lèvres. Mais aucun son ne sortit de sa bouche. Elle avait enfin deviné. Il baissa alors les yeux puis se tourna vers le lac.

- Je pense que tu connais la réponse... Dit-il d'une voix calme

Ses yeux étaient redevenus rouge d'alizarine. Il ne savait plus ce qu'il devait faire. En cet instant, il était redevenu le gamin qu'il était à l'époque. Quand on le surprenait en train de faire une bêtise, il répondait toujours de cette façon, calme, et ses yeux avaient toujours la même teinte, car il ne savait jamais comment réagir. Comme quoi, malgré les années, certaine chose ne change jamais.

Rompant le silence, Kyodaina parla, d'un ton rassurant.

- Tu n'as pas à te sentir mal. Toi non plus tu n'es pas responsable d'être le fils du roi ! Dit-elle avec un doux sourire.

Marian regarda un instant la demoiselle. Quel beau sourire, vraiment. Il fit un sourire en coin, en pensant qu'elle n'avait pas tout à fait raison. Il décida de lui dire, à elle, la vérité sur ses origines. Après tout, il n'était plus à ça près. Mais plus il regardait Kyodaina, plus il voyait qu'elle était heureuse. Peut-être pensait-elle avoir un lien de parenté avec le vagabond. S'il ne lui disait pas la vérité, elle pourrait avoir de faux espoirs, mais d'un autre côté, Cross ne voulait pas briser ses rêves.
Il pris une grande inspiration et planta son regard rouge dans celui sarcelle de la souveraine.

- Ce n'est pas tout à fait ça. Commença-t-il en cherchant ses mots. Puisque tu sais à présent qui je suis, je ne vais rien te cacher, ça ne servirait à rien, et puis, j'en ai marre. Comme je te fais confiance, je vais te dire la vérité.

Le regard de Cross se fit grave. Lui qui avait promis à sur la tombe de sa mère de ne rien dévoiler, il allait briser sa promesse. Mais il savait que, de là-haut, sa mère ne lui en voudrait pas, elle avait toujours était compréhensive et c'est quelque chose dont Marian n'avait pas franchement hérité.
Après quelques instants, le vagabond s'expliqua enfin.

- Faisons court... Je ne suis pas le fils du Roi.

Cross observa la réaction de Kyodaina. Elle paraissait surprise, il comprenait tout à fait cela, qui pourrait se douter qu'il n'est pas le fils de Osameru, Souverain défunt des Surisu. Quel titre pompeux... Marian détestait cela. Mais il détesta encore plus l'expression de déception qui peignait le visage de l'actuelle Reine. Sûrement car il venait de lui dire implicitement qu'ils n'avaient aucun lien de parenté. Peut-être n'avait-elle plus de famille ? Dans un sens, ils étaient pareils tous les deux, ils s'étaient retrouvés seuls, bien que pour Marian, ce soit plus par choix qu'autre chose. Il n'avait plus de famille à proprement parler. Mais après tout, à quoi cela lui servirait-il dans sa vie de vagabond ?

- Ta mère avait une relation avec un autre homme ? Dit soudain Kyodaina, un réflexe sans doute.

Le vagabond vit qu'elle s'en voulut, pourtant, elle ne devait pas. Ce n'était pas douloureux pour Cross, puisqu'il n'avait jamais connu son père biologique. Avant qu'il ne réponde, la jeune femme rajouta dans un souffle :

- Desolée...

Marian ne put s'empêcher de sourire. Un sourire doux et réconfortant se dessina sur son visage. Il regarda Kyodaina puis lui répondit :

- Tu n'as pas à t'excuser. De toute façon, mon père biologique est mort avant ma naissance, et j'ai toujours cru que le Roi était mon père, comme je n'ai appris que tard la vérité.

C'était la première fois qu'il s'entendait parler comme ça depuis bien longtemps, depuis son enlèvement en fait. Il continua malgré tout de sourire. Il était bien aux côtés de Kyodaina, sa présence le détendait. Cependant, son visage redevint légèrement grave, et il tourna la tête vers le lac, où un cygne venait de se poser avec grâce.

- C'est plutôt à moi de te demander pardon, ajouta-t-il dans un souffle.